Publication "Business Immo" du 02 octobre 2019:
Co-écrit avec Nicolas Tarnaud
Aujourd’hui la nouvelle génération de millennials connectés, vivant en « communautés d’appartenance », en quête de sens, a réellement modifié le regard porté par les salariés sur l’entreprise au point de contraindre celle-ci à revoir ses méthodes de management et d’utilisation de ses espaces. L’immeuble de bureaux du XXIe siècle est en pleine mutation technologique et suit la même tendance que les centres commerciaux.
Ces deux actifs immobiliers vont devoir s’adapter rapidement et la forme historique qu’on leur connaît disparaitra à moyen terme. En effet, les utilisateurs nationaux et internationaux d’espaces de travail sont de plus en plus exigeants dans le choix des locaux qu’ils occupent. Le coût immobilier représente toujours le deuxième poste de dépenses derrière les frais généraux pour les entreprises. Or, nous notons que 50 % des espaces sont inoccupés dans une tour de bureaux, notamment pour des raisons d’absentéisme, de formation, de télétravail ou de rendez-vous. Ainsi, les entreprises ne veulent plus s’engager sur des baux pour de simples mètres carrés et accueillir leurs collaborateurs dans un immeuble sans âme, non fonctionnel et mal localisé. Le bureau ne doit plus se résumer à un unique environnement de travail mais également incarner un lieu agréable et chaleureux : un happy office.
Happy office
Le bureau est devenu un mode de vie. Dans ce contexte, chaque immeuble doit avoir son identité, sa singularité et offrir une expérience unique aux collaborateurs de l’entreprise. À l’instar des commerces qui doivent justifier que l’on s’y rende plutôt que d’acheter en ligne, le bureau doit justifier de s’y rendre plutôt que de travailler à domicile. En effet, nous disposons de tous les moyens nécessaires pour que le travail nomade puisse se développer dans de véritables tiers lieux aussi agréables qu’humains. On travaillera davantage depuis son domicile, dans un café zen, ou même dans un coworking en pleine campagne. Un immeuble ou même un étage devra répondre aux multiples besoins et exigences de l’entreprise qui occupe les locaux. Les défis à relever sont à la fois nombreux et représentent un véritable challenge pour les acteurs de l’immobilier d’aujourd’hui et de demain. Mais la culture du travail présentiel doit aussi évoluer. Les horaires de travail vont également être adaptés et devenir moins contraignants grâce à l’assouplissement du cadre réglementaire vers le télétravail. Les mentalités et la culture d’entreprise ont encore à s’adapter pour tendre vers un usage du bureau en lien avec les aspirations des collaborateurs. Un collaborateur sera plus productif s’il fait du sport ou d’autres activités de loisirs lors de ses pauses que s’il reste tardivement à son poste de travail pour faire du présentéisme.
24h au bureau
Pour répondre aux attentes du marché et s’adapter aux nouveaux modes de vie au travail, les prestations de services seront désormais indispensables dans les immeubles de bureaux et ce, tout au long de la journée. Ces prestations doivent correspondre à des attentes précises qui dépendent de chaque moment au quotidien et sont rythmés par les pauses dans la journée de travail. Pourquoi ne pas commencer le matin par un petit-déjeuner français ou anglais et lire la presse française et étrangère ? Dans la matinée, pourquoi ne pas faire une pause sportive ou de la méditation ? À l’heure du déjeuner, pourquoi ne pas avoir des menus variés et bio ? Durant cette plage horaire, pourquoi ne pas faire une pause manucure, coiffure pour elle ou barbier pour lui ? Dans l’après-midi pourquoi ne pas faire une pause sucrée ou profiter d’une réflexologie plantaire ou d’une micro sieste avant de reprendre une réunion par la suite ? Enfin le soir, certains voudront récupérer leurs affaires du service pressing et un panier repas ou de fruits et légumes, tandis que d’autres préféreront rester et profiter d’un bar éphémère et/ou d’un afterwork. Une exposition d’art ou d’autres événements peuvent aussi ponctuer certains soirs de la semaine. Nous l’avons compris, le bureau est lifestyle et « retailisé » par des concepts éphémères adaptés aux besoins des travailleurs.
« Retailisation » du business model
Ainsi, le bureau lui aussi se « retailise » : son business model doit être repensé en conséquence. Le commerce et le loisir ont fait leur entrée dans les immeubles de bureaux, ce qui change la valorisation des espaces. Ce besoin de renouveau à chaque moment de la journée oblige à se tourner vers des concepts qui ne peuvent plus être repensés tous les 20 ans, mais qui doivent être évolutifs, modulaires et s’adapter aux modes de vie des nouvelles générations. Tout comme le retail, le bureau doit imaginer que de plus en plus d’espaces seront loués de façon éphémère, certains quelques heures dans la journée pour un service ponctuel, et non plus uniquement sur de longues durées de bail. Le coworking a déjà apporté cette évolution de la notion de durabilité de détention des espaces privatifs ; à présent, la « retailisation » apporte cette même révolution aux espaces communs. De nouveaux revenus peuvent ainsi être générés sur les halls d’entrée, les paliers d’étages, la restauration, ou encore d’autres espaces interstitiels entre les zones privatives. Les bailleurs peuvent par ce biais profiter du nouveau lifestyle de l’immeuble de bureaux pour générer des revenus complémentaires aux revenus des zones privatives.
Les 20 prochaines années s’annoncent déjà passionnantes puisque l’innovation servicielle n’est qu’à ses débuts et va faire naître de nouveaux environnements de travail basés autour du service et de l’usage : « user centric ». Mais les services ont un coût et l’entreprise doit saisir l’enjeu de les intégrer comme un capital bien-être pour ses collaborateurs afin de les fidéliser. Les propriétaires doivent imaginer en ce sens ces business models du bureau de demain pour, eux aussi, fidéliser leurs locataires en leur apportant toujours plus de services et de confort. Ainsi, les utilisateurs vivront le bureau d’une manière beaucoup plus libre qu’aujourd’hui : un « lieu de vie » avant d’être « un bureau » pour devenir un immeuble personnalisé. Les millennials ne veulent plus d’environnements uniformes à l’intérieur de l’entreprise ; ils veulent avoir le choix dans l’usage de chaque espace. Plus ce dernier sera bien pensé et aménagé vers l’humain, plus il permettra d’actionner de réels leviers de performances pour l’entreprise.
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