Publication "Huffington Post" du 21 avril 2020:
Co-écrit avec Nicolas Tarnaud
Les appartements parisiens plébiscités avant la crise épidémique du Covid-19 sont ceux où il est le plus difficile de vivre confinés. On voit son chez-soi sous un autre angle aujourd'hui.
Nous faisons face à une réelle introspection du mode d’habitat chez les citadins. Nombreux sont ceux qui considéraient hier leur appartement en ville bien localisé comme un réel avantage. Mais le confinement est passé par là.
Quels critères pour mon logement?
En effet, depuis la mi-mars, ces appartements centraux fortement recherchés sont devenus les “prisons” dorées de ceux qui se considéraient comme privilégiés. En période de confinement, lorsque les lieux de sortie, les bars, les restaurants, les cinémas, les théâtres, les jardins et les parcs sont fermés, on découvre son chez-soi sous un autre angle. Le home sweet home d’aujourd’hui en appartement est devenu moins attractif durant cette période de crise. On réalise l’étroitesse de son espace puisqu’on y passe 23h sur 24h, pour ceux qui respectent le confinement et son unique heure de sortie autorisée.
Un parisien vit dans une surface moyenne de 31 m2 et la superficie moyenne des appartements dans la capitale est seulement de 59 m2 tandis que la surface moyenne des logements en France est de 91 m2. Les appartements parisiens plébiscités avant le confinement sont ceux où il est le plus difficile de vivre confinés. À l’évidence, évoluer dans un appartement de 200 m2 avec une terrasse de 100 m2 n’a pas les mêmes conséquences pour ses occupants que de passer toute une journée dans un studio sous les toits même si l’on est seul à l’occuper. À l’inverse, les confinés sont ceux qui ont fait le choix de s’éloigner des centres-villes, dans des zones pavillonnaires ou dans une maison à la campagne. Selon un sondage de BNP Paribas Real Estate et l’IFOP, 86% des Français estiment leur logement bien adapté au confinement, le plus souvent grâce à un espace extérieur (balcon, terrasse, jardin). Les Français habitant en zone rurale ont un regard bien plus positif sur leur logement (95%) que les Franciliens (78%). Les espaces extérieurs (jardins, terrasses, balcons…) arrivent en tête des critères auxquels les Français accordent désormais plus d’importance (81%).
Ils vivent ainsi un confinement plus agréable et zen que les purs citadins. Sans tomber dans des généralités, le confinement a permis à l’ensemble de la population de prendre conscience des risques jusqu’ici ignorés, comme par exemple, se retrouver enfermés entre quatre murs. Afin d’éviter que ce type d’événement ne se reproduise, les architectes et les promoteurs devront anticiper et adapter le logement de demain. Ainsi, ils devront être davantage lumineux avec un balcon spacieux, une terrasse, ou un jardin privatif en rez-de-chaussée. Les caves adaptées pour stocker les denrées alimentaires seront également recherchées. Dans tous les cas, la maison individuelle entourée de verdure risque d’être la gagnante de la crise du Covid-19 en France comme dans les pays étrangers sévèrement touchés par cette crise.
Quelle évolution du télétravail?
Le coût immobilier est le deuxième poste de dépenses derrière les frais généraux pour les entreprises. Les immeubles de bureaux étant actuellement vides de leurs occupants, les directeurs immobiliers vont continuer de les optimiser une fois le confinement terminé. Avec un taux de vacance très faible aujourd’hui dans les immeubles de bureaux parisiens, la question du développement du télétravail mérite d’être posée pour ceux qui peuvent en bénéficier.
En effet, cela concerne essentiellement les collaborateurs travaillant dans le secteur tertiaire. Nous sommes dans un environnement où le flex office et le coworking séduisent de plus en plus d’entreprises et les nouvelles générations. L’impact du télétravail lié au confinement est donc générateur de réflexions à ne pas négliger. À s’habituer à travailler chez soi, les salariés et les consultants prennent goût à ce nouveau mode d’organisation et les entreprises en voient les avantages. Des avantages qu’elles ne voulaient probablement pas voir hier. Le télétravail a de ce fait permis aux Franciliens de passer moins de temps dans les transports individuels et collectifs. Selon l’institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France en 2017, les actifs franciliens passaient près de 2h dans leurs déplacements quotidiens en semaine. Imaginons un instant le nombre d’heures passées dans les transports sur une année de travail. Les employeurs ont parfaitement compris pendant le confinement que leurs collaborateurs étaient aussi productifs en télétravail, certains ont même découvert ce nouveau mode d’organisation pour leurs équipes.
C’est ainsi que ceux qui étaient réticents au télétravail s’en sont trouvés gratifiés puisque leur activité professionnelle a pu continuer de s’effectuer dans de bonnes conditions. Cela leur a même donné l’idée de poursuivre une partie du temps après le confinement, ce qui était inimaginable avant la crise du Covid-19. Selon un sondage effectué par Microsoft et Opinion Way, 36% des actifs français ont ainsi télétravaillé pendant les grèves de décembre et de janvier dernier. Chez les moins de 35 ans, 1 actif sur 2 a télétravaillé. 42% des télétravailleurs sur cette période avaient découvert cette pratique pour la première fois. Cette expérience a été facilitée par les outils technologiques mis en place par les entreprises. Les Français voient aussi une autre raison au fait de poursuivre le télétravail à l’avenir puisque 39% d’entre eux considèrent que cela leur a permis une plus grande productivité.
Le télétravail devrait augmenter de 20% chez les cadres à la fin de la crise. Nous ne parlons pas de la généralisation du télétravail dans l’avenir. Ce dernier restera complémentaire à la présence physique des collaborateurs. Cette nouvelle situation change aussi la donne concernant les mètres carrés de bureaux que les entreprises louent avec des baux de longues durées. En effet, elles vont repenser l’utilité d’avoir un poste de travail par personne si leurs salariés sont en télétravail plusieurs jours par semaine avec une meilleure productivité. Aussi, la distance entre le lieu de travail et le logement peut devenir un critère moins déterminant sur le choix de la localisation de son habitation. Si nous travaillons davantage en télétravail à l’issue de la crise, il y aurait moins d’intérêt d’habiter en appartement à proximité de son entreprise et des transports en commun. Tout cela risque d’impacter le marché immobilier ancien. Les acteurs du monde résidentiel doivent repenser la configuration de leur programme par rapport aux nouvelles attentes des propriétaires, des locataires et des investisseurs. Toute la chaîne immobilière doit donc se réunir.
Quel avenir pour le marché du logement?
Nous pouvons aisément considérer que le marché de l’immobilier résidentiel va connaître une mutation avec l’impact de la crise du Covid-19. À plus de 10.000 euros le mètre carré, les prix parisiens comme certaines capitales régionales sont montés à des niveaux très élevés grâce à l’abondance des liquidités bancaires et des taux de crédit nominaux inférieurs à l’inflation. La donne risque de changer au niveau des financements immobiliers.
En effet, les banques risquent d’être davantage sélectives dans la distribution de crédits immobiliers concernant l’achat de résidences principales et de l’investissement locatif. Aussi, un rééquilibrage va se produire. Tout ne se vendra plus de la même manière. Ainsi, un appartement sombre en rez-de-chaussée ne se conclura plus au même prix qu’un appartement lumineux du 3e étage situé dans le même immeuble. En centre-ville des métropoles régionales, il y aura une prime pour les appartements avec vues disposant d’une belle terrasse ou d’une maison avec un jardinet. La moindre verdure apportera de la valeur ajoutée au bien immobilier d’une façon bien plus substantielle que jusqu’alors. Avec des loyers constants et une dépréciation des valeurs vénales, la rentabilité locative sera plus élevée pour les investisseurs. Enfin, nous aurons toujours besoin d’un toit pour nous loger. La pierre reste une valeur refuge tant que les fondamentaux sont respectés au moment de l’acquisition. Même dans un marché baissier (transactions, prix), la classe d’actifs immobiliers ne doit jamais être négligée. Quelle que soit sa localisation géographique, une maison ou un immeuble ne pourra jamais se délocaliser. Leur caractère tangible et immobile en fait des actifs attractifs et singuliers. C’est dans ce contexte inédit que toute la chaîne immobilière doit donc se réunir et inventer ensemble le logement de demain tant sur les aspects liés à l’emplacement géographique que sur les usages et a fortiori si le logement devient en partie un lieu de travail.
Comments